Des normes environnementales imposent de nouvelles exigences de reporting, passant par des échanges de données inter-entreprises. Ce qui suppose une adaptation de systèmes d’information jusqu’alors davantage pensés pour le pilotage financier.
Transposer les exigences des nouvelles réglementations environnementales dans les systèmes d’information : c’est à ce nouveau défi que sont confrontées les directions informatiques. En particulier avec le texte le plus emblématique en la matière, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), directive européenne entrée en vigueur au 1er janvier 2024 et qui découle du Pacte vert pour l’Europe. Ce dernier fixe pour objectif une réduction des gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030 (par rapport au niveau de 1990) et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.
« Auparavant, les entreprises concernées par le reporting extra-financier avaient la liberté de concevoir leurs rapports comme elles l’entendaient, ouvrant la possibilité de communiquer de manière partielle et de manquer de transparence, analyse Elodie Fouquier, responsable de l’offre SAP Sustainability de PASàPAS. Désormais, ce reporting est encadré par des standards, ce qui va permettre de comparer les entreprises entre elles. » Objectif du législateur : orienter les investissements vers les organisations les plus vertueuses.
Extension à l’ensemble de la chaîne de valeur
Surtout, par rapport au reporting extra-financier actuel touchant quelque 11 700 entreprises sur le Vieux Continent, la CSRD va s’étendre à environ 50 000 organisations. Il suffira, pour une entreprise européenne, d’employer plus de 250 salariés et de présenter un chiffre d’affaires de plus de 40 M€ ou de disposer d’un bilan supérieur à 20 M€, ou encore d’être une entreprise cotée sur un marché réglementé européen, pour tomber sous le coup du texte. Les entreprises non européennes disposant d’une filiale dans l’Union réalisant plus de 150 M€ de chiffre d’affaires seront également concernées. « Et la CSRD ne couvre pas uniquement le périmètre directement maîtrisé par ces entreprises ; elle s’étend aux chaînes de valeur auxquelles elles participent, donc également aux sous-traitants », précise Elodie Fouquier. Dans la même logique que le calcul du Scope 3 d’un bilan carbone (pour les émissions dites indirectes, hors énergie), la mise en œuvre de la CSRD suppose donc une circulation de données entre entreprises, sur la base de protocoles communs.
La mise en pratique de la réglementation, qui s’étale de 2024 (avec de premiers rapports début 2025) jusqu’en 2029, passe donc par une adaptation de systèmes d’information jusqu’alors davantage conçus pour le pilotage et le reporting financiers. « Et la réglementation est encore appelée à évoluer largement, par exemple avec des normes sectorielles ou des exigences simplifiées pour les PME ; il faut en tenir compte dans les choix d’outillage », souligne la responsable de PASàPAS, spécialiste des technologies SAP qui porte l’offre pour accompagner les entreprises face à ces enjeux. « En la matière, le cloud permet davantage d’agilité, l’éditeur propageant les évolutions à l’ensemble de ses clients », reprend Elodie Fouquier.
Une taxe sur les plastiques non recyclés
La CSRD n’est pas le seul texte à portée environnementale à imposer aux entreprises de nouvelles exigences de reporting. Ainsi, la Responsabilité élargie du producteur (REP) fait peser sur les fabricants le financement de la fin de vie de leurs produits. La plupart du temps, en Europe, ce mécanisme est pris en charge par des éco-organismes, qui collectent une contribution lors de la vente des produits et mettent en place les actions de traitement des déchets et de recyclage. « Sauf que les exigences de ces éco-organismes varient en fonction des pays et qu’elles sont évolutives. Là encore, mieux vaut disposer d’un outil logiciel pour se simplifier la tâche », commente Elodie Fouquier.
Enfin, depuis 2021, l’UE exige de ses Etats membres une taxe de 80 centimes par kilogramme sur les emballages plastiques non recyclés, sur la base des déclarations desdits Etats. Dans certains pays, comme l’Espagne et prochainement l’Italie, cette taxe est répercutée sur les entreprises. « Ce qui suppose de collecter la donnée, mais aussi de mettre en place une démarche d’éco-conception afin de limiter les montants reversés », souligne la responsable de l’offre SAP Sustainability. D’autant que d’autres pays hors-UE, comme le Royaume-Uni ou le Canada, ont mis en place des mécanismes similaires. Il est à noter aussi qu’un Traité international pour mettre fin à la pollution plastique est en cours de négociation aux Nations Unies, en marge de la COP16 pour la biodiversité, qui s’est tenue à Cali (Colombie), et doit être signé d’ici fin 2024.
Dépasser le seul impératif de reporting
Pour les clients SAP, cette somme de nouveaux enjeux liés à l’environnement suppose d’abord de lancer une démarche dite d’analyse de double matérialité, consistant à soupeser les décisions de l’organisation non plus sous le seul prisme financier, mais en considérant, au même niveau, l’impact sur l’environnement, la gouvernance de la structure et la société dans son ensemble. « Ce qui nécessite de réunir de nombreuses parties prenantes. Il faut compter entre quatre et six mois de travail », assure Elodie Fouquier. Ensuite, vient la phase d’identification et de collecte des données indispensables au reporting. « Des données qu’il faut organiser dans un système d’information structuré, car les entreprises devront être en mesure de comparer leurs indicateurs d’une année sur l’autre et de garantir l’auditabilité des données communiquées aux marchés, ajoute la responsable. La piste du tableau Excel ne tient pas longtemps ! »
Surtout, pour Elodie Fouquier, cette étape de construction des rapports n’est pas l’objectif final. Car, au-delà du reporting, les réglementations visent à favoriser l’action au plus près du terrain. « Pour ce faire, il faut être en mesure d’exposer la donnée environnementale au cœur même des systèmes d’information opérationnels, afin que les équipes puissent, par exemple, prendre les décisions les moins impactantes en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES) », souligne-t-elle.
Accompagner l’évolution de la maturité des entreprises
Pour accompagner cette feuille de route, et sur la base des outils de SAP (comme Sustainability Control Tower, Sustainability Footprint Manager, Sustainability Data Exchange ou encore de Responsible Design and Production), PASàPAS construit une offre reposant sur trois composantes principales, reflétant les trois principales étapes d’un projet de mise en conformité aux textes environnementaux, CSRD en tête. D’abord un outil évolutif permettant aux entreprises de systématiser leur démarche de reporting. Ensuite, une approche méthodologique pour assurer la communication inter-entreprise des données, dans un premier temps pour les émissions de GES. Enfin, des mécanismes de réintroduction de ces données au cœur même de l’ERP. « Nous nous inscrivons dans une démarche d’accompagnement de la maturité des entreprises, résume Elodie Fouquier. Aujourd’hui, la plupart d’entre elles en sont à la première étape, mais certaines se posent déjà, parfois de manière concomitante, la question de la seconde. »